Non, ce n’est pas d’eux dont on va vous décrire les mésaventures, (voir article: “L’habit ne fait pas le moine ) mais des souvenirs de Jacques POULAIN à propos de “L’ile aux moines”
Note de la rédaction : Nous avons longtemps hésité à publier ce texte. Nous ne cessons d’essayer de vous convaincre des vertus d’un sport et des valeurs qu’il contient, formateur d’hommes équilibrés, réfléchis, responsables et maîtres de leur conduite. Nous allons pourtant vous livrer une histoire qui fait exception à la règle, mais dont heureusement la fin sera heureuse. Et puis James est un excellent narrateur.
Mais profitons de l’occasion pour répondre à une question que vous vous êtes sûrement posé : Pourquoi cette ile, la plus grande du Golfe, s’appelle t elle “L’ile aux Moines” puisqu’il n’y en a plus, ou si peu ?
Réponse pour votre info : Si l’Ile-aux-Moines s’appelle ainsi, ce n’a pas toujours été le cas. Elle fût dans un premier temps dénommé Crialeis (ou croix courte) puis Enez manac’h qui se prononce Enizenac’h. C’est d’ailleurs ce nom qui a été conservé et traduit en français d’où l’appellation l’Ile-aux-Moines.
Propriété, à une époque, des moines de l’abbaye Saint-Sauveur de Redon suite à un don du roi de Bretagne Erispoë, roi de Bretagne, 820-857 il n’y en aurait jamais eu à résider. « Elle était peuplée de marins, de pêcheurs et d’agriculteurs », indique la commune. Contrairement à celle qui se situe dans les Côtes-d’Armor où des moines cordeliers ont vécu du XIVe siècle au XVe siècle.
Issue d’un démembrement de la paroisse de l’Armorique primitive de Ploeren, l’Ile-aux-Moines est habitée depuis l’époque néolithique. Si pendant quelques années, elle a servi de grenier à l’abbaye Saint-Sauveur de Redon, elle a été rattachée à la paroisse d’Arradon au Xe siècle, à la suite d’invasions normandes.
C’est finalement en 1792 qu’elle est devenue une commune dénommée alors l’Isle-aux-Moines, ou l’Isle-du-Morbihan pendant la Révolution française.
Mais revenons à nos gaillards de rugbymen et au récit de James :
L’été venu, les joueurs du RCV en nombre… Jacques Poulain, Michel Steck, Gilbert Loil, Jean Luc Guillo, JB Brohan, les frères Tanguy, Michel Cap, Jean-Michel Daguerre, Jean-Luc Le Martelot… pour ne citer qu’eux, ont pris pour habitude de se regrouper sur l’Île-aux-Moines pour y passer quelques jours de vacances.
Très vite, les angelots se font adoptés par la population locale. La journée, c’est la pêche au filet et à la senne qui les titillent dans l’anse de la plage du Goret et la nuit c’est le rock and roll et le twist qui les enflamment au bar dancing de l’île « chez Félix ».
Mais en ce samedi 16 août 1969, le groupe choisit de rompre avec la routine. C’est le long week-end de la mi-août et l’île est noire de touristes. Ce qui génère chez nos joyeux drilles et les supportrices du club qui les accompagnent, l’envie irrésistible de marquer un autre essai festif : reconstituer un mariage à l’ancienne pour amuser la galerie.
De vieux habits sont récupérés dans un grenier. Et c’est, fichus de leurs accoutrements que les mariés, le maire, les témoins, les dames parées de robes en velours, coiffes et châles brodés, le vieux pêcheur, le pirate… déambulent dans les rues sous le regard amusé des autochtones et des touristes qui profitent là d’un spectacle atypique. Partis alors en goguette, ils animent les quartiers et les bars de l’île avec sur leur passage des badauds qui ne cessent de les photographier ou de leur offrir à boire
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’au moment où les noceurs bien embrumés, et avec l’insouciance de leur jeunesse, envisagent en fin de soirée de quitter l’île pour rejoindre Port Blanc à quelques encablures de là.
Ils s’agglutinent à bord d’une petite embarcation pour franchir le bras de mer et le fort courant qui le parcoure. La décision est inconsciente et manque de virer au drame.
Meilleurs avec un ballon ovale en mains, que marins !
La nuit est tombée. Il est environ 23 heures lorsque la joyeuse bande embarque à bord d’un petit canot plastique équipé d’un moteur cinq chevaux, appartenant à Jacques Poulain. L’objectif, partir de la cale de Toulindac (à l’Île-aux-Moines) pour rejoindre la cale de Port-Blanc en Baden.
A 100 mètres environ de l’arrivée, l’équipage fort animé fait tanguer le bateau qui embarque de l’eau et coule en partie.
. Dans l’immédiat, ce bout de flottaison sera la bouée de sauvetage de cinq d’entre eux, deux autres s’étant raccrochés à la nourrice d’essence du bateau presque vide, une chance qui permettra au réservoir de métal de ne pas couler et donc de les tenir à flot. Pendant ce temps, deux rugbymen Michel Steck excellent nageur et Michel Cap réussissent à gagner la côte à la nage, malgré la force du courant.
Quant à JB Brohan, il dérive seul, emporté vers la baie de Port-Blanc et doit son salut aux rochers, auxquels il s’accroche.
A terre, Michel Steck et Michel Cap se dirigent rapidement vers le bar la Vigie à Port-Blanc pour donner l’alerte. Sur place, le passeur Gildas Le Mentec de l’Île-aux-Moines qui boit un verre, embarque aussitôt sur sa plate à moteur pour porter secours au reste du groupe en perdition qui dérive vers l’embouchure du golfe.
Tandis que le patron du bar, Camille Le Gouguec également passeur, lui emboîte le pas et prend la barre de son bateau « La Vigilante » accompagné des deux rugbymen. S’engage alors une longue recherche rendue d’autant plus difficile qu’elle est conditionnée par l’obscurité et la force des courants à cet endroit (coefficient 85).Ils sont enfin repérés. D’abord cinq naufragés accrochés au canot, sont récupérés face à l’ile Creïzic. Parmi eux, à la proue du bateau, Néné un fervent supporter du RCV seul à ne pas savoir nager, cumule ce soir-là, la malchance. En effet, le filet de pêche qui accessoirise son déguisement de noceur l’entrave, ce qui ne facilite guère le maintien en surface du malheureux qui panique.
Un peu plus loin, deux autres agrippés à la nourrice sont sortis de l’eau à proximité de la balise de Creïzic dérivant vers le courant de la jument, classé 2ème courant le plus puissant d’Europe. Tous sont sains et saufs et auront passés presque une heure dans l’eau. Finalement, bouleversés mais en vie, ils trouvent réconfort au bar de la Vigie où les attend, impassible, un JB Brohan sirotant une bière. Quelques boissons chaudes offertes par Camille leurs sont servis. Les rescapés se révélant « meilleurs ballons ovales en mains, que marins » rejoindront Vannes plus tard pour se réfugier dans la maison familiale de Michel Cap, ses parents étant absents de la région. Le lendemain, nos fanfarons de retour sur l’Île-aux-Moines font profil bas. Et sans broncher encaissent les remarques des insulaires : « Ce n’est pas vrai, pas vous les gars on n’y croit pas, vous qui connaissez les dangers de la mer ! ». L’aventure aura eu pour mérite, au moins de servir de leçon aux jeunes aventuriers auréolés pour le coup, d’une belle étoile, cette nuit-là.