La boite que vous voyez à mes pieds m’a été offerte le jour de mon remariage par deux joueurs ayant survécu à ma pratique.
A l’époque, la première et la réserve jouaient chacune le même adversaire, l’équipe B a 13H30 et la A à (ha ha !) 15h. Nous étions deux entraineurs pour encadrer ces 2 équipes et il arrivait qu’il manque 1 joueur en réserve, auquel cas Guy se proposait de faire le complément, me laissant la charge de préparer la une au match de 15 h . C’était une époque ou nous étions obligé de prévoir une personne pour s’occuper du sceau et de l’éponge magique, instruments universels adaptés à tout les combats.
En l’occurrence ce jour là responsabilité d’user à bon escient des instruments sus mentionnés me revint avec de surcroit l’usage possible de la boite à pharmacie, caisse en bois munie d’une poignée et remplie de médicaments de toutes sortes, bandes de velcros, vaseline et autres pommades réchauffantes. Rassemblant tous mes souvenirs d’une petite formation au secourisme dispensée en 20 minutes au collège quelques années plus tôt, ‘j’abordais le match avec calme tout en espérant n’avoir pas à amputer un bras ou une jambe.
Je n’ai pas eut à attendre longtemps pour voir Guy mettre son nez en barrage d’un groupe de phalanges qui passait par là et venir se faire déboucher les naseaux pour retrouver au plus vite une respiration lui permettant de se venger sans délai de l ‘affront subis.
C’est donc sous pression d’exécuter un soin rapide et efficace que j’ouvris la boîte a pharmacie, saisi deux compresses que j’imbibais d’eau oxygénée, et lui stoppais l’hémorragie en les lui collant dans le nez, Fier de le voir repartir comme un lapin grâce a la rapidité de mon intervention et la précision de mes gestes, je ne remarquais pas tout de suite le comportement saccadé de mon patient, ni sa démarche de plus en plus chaloupée quand il essaya de revenir vers moi tout en s’arrachant du nez les deux compresses que j’y avais placé. Prenant connaissance du mal de tête accompagnant ses divagations , nous nous assurâmes de la qualité du contenu du flacon dont je m’étais servi. En fait celui ci portait une étiquette notée “Ether”. J’ai cru percevoir au pot d’après match qu’il m’en a voulu un peu, non de mon erreur, qui l’a fait bien rigoler (il en rigole encore!) mais du fait que cette petite anesthésie lui a fait oublié a qui appartenait les cinq doigts objets du délit.

Plus tard dans la saison, nous sommes passés de la préhistoire au XXI siècle, en l’occurrence du sceau et l’éponge (sans oublier le 1/4 de citron à la mi temps de 5 mn) à la bombe à froid !
Mais sans le minimum d’information indispensable au moment d’une telle révolution !
Un dimanche après midi donc, me voilà assis sur ma caisse, prêt à intervenir avec célérité et avec ma bombe que j’inaugurais avec la curiosité d’un singe qui découvre un téléphone. Chouette, un blessé, il boîte comme un zèbre venant de se faire tailler un jambonneau par trois lions. Il a un maillot uni jaune, avec une inscription “la Poste”, ce n’est donc pas ni un zèbre, ni un adversaire parce qu’il est tout seul et ils ne sont pas 15. Trop heureux de montrer au monde de l’oval que le RCV est à la pointe de la technologie, j’oublie mes préjugés sur le corps arbitral, et je me précipite au secours du zèbre, les lions étant partis à la buvette. Visiblement le zèbre souffrait d’un entorse. N’écoutant que ma compassion pour cet animal qui souffrait, je lui projetait du très froid avec ma bombe, qui enfin se libérait, peut être même un peut trop. l’employé des PTT me remercia (ce je sus qu’il regretta plus tard) et se rendit à l’hôpital afin de parfaire mon intervention.

Plus tard dans la saison, nous avons à nouveau été arbitré par ce facteur. C’est le seul match que nous avons perdu, subissant un maximum de pénalités ! Au pot d’après match, le citoyen arbitre est venu s’en expliquer : suite à son hospitalisation lors de son entorse, les internes de garde lui ont plâtré la cheville recouvrant ainsi une certes légère brulure due à mon coup de bombe (c’est vrai que le froid çà brule la peau, qui n’est pas resté la langue collée sur son bâton glacé de glace à la fraise – ou à la framboise, çà dépend des goûts) légère, la brulure, mais lui imposant un incessant besoin de se gratter, ce qu’il ne pouvait évidemment pas faire, à cause du plâtre ! (citron, c’est pas mal non plus). De cet impossible grattage, mon patient en garde un si mauvais souvenir que désormais le moindre son ou la moindre allusion au RCV provoque chez lui le besoin de siffler.
Bien sûr ma réputation de secouriste en pris un coup, mais un avantage certain se dévoilera assez rapidement. Il me suffira par la suite de simplement me pointer avec ma boite a pharmacie vers le blessé, pour que celui se retrouve soudain une santé de fer et a ma simple vue, détale rejouer avec ses copains !

Enfin, dernière anecdote concernant l’infirmerie.
Jean Claude COTTO, joueur formé à Saint Nazaire puis Lorient, est venu à Vannes dans les années 70. 2ème ligne de petit gabarit mais teigneux comme une teigne (Lapalisse),il était boucher forain. Gros dur au cœur tendre, fidèle en amitié et co-équipier précieux dans les matches un peu durs, il n’hésitait pas à distribuer plus qu’il ne recevait. Il était de la lignée des avants aux mains plus utilisées à “détendre l’atmosphère” qu’à se faire des passes. Pour représenter l’identité des 2ème ligne de l’époque, deux citations qui en témoignent :
Walter Spanghero, international dont le Président de la République avait demandé le retour en équipe de France à un moment où les Anglais nous donnaient la leçon, Walter aimait à dire : “Heureusement que j’avais mon nez, sinon j’en aurais pris plein la gueule !”
Jacques FOUROUX, demi de mêlée et Capitaine de la grande équipe de France de 1977 remportE le Grand Chelem avec les 15 mêmes joueurs sur les 4 matches, puis 2 autres Grand Chelem en tant qu’entraineur en 1981 et 1987, surnommé le Petit Caporal par comparaison avec Napoléon 1er. Interrogé lors d’un passage à Vannes sur son secret pour avoir une mêlée toujours dominatrice, avait répondu : “Je prends des 2èmes ligne qui ont les mains larges”
Jean Claude qui avait lui aussi de larges paluches se fait surprendre un jour par l’arbitre pour en avoir usé contre un adversaire qui le dérangeait. Il s’excusera de son geste auprès de l’arbitre et promettra ….d’être plus attentif la prochaine fois, en ces termes ” Oh, excusez moi, Mr l’arbitre, je n’avait pas vu ou vous étiez !”
Or un jour Jean Claude reçoit un coup à la jambe qui se transforme en hématome. Il y avait dans la caisse à pharmacie des ampoules de percutalgine, qui se cassaient pour rependre le contenu sur la peau pour un massage. Et voilà notre Jean Claude rentrer chez lui avec deux ampoules, et le soir venu les vider dans un verre et les boires en faisant la grimace. Il passera la nuit aux toilettes.

